Comment agir contre la récidive des personnes condamnées pour terrorisme ? La question est brutalement revenue sur le devant de l’actualité après l’attentat perpétré samedi 2 décembre à Paris : un Franco-Iranien de 26 ans, Armand R.-M., a tué à coups de couteau jeune touriste germano-philippin et blessé deux autres personnes.
Ce jeune homme avait été condamné en mars 2018 à Paris à quatre ans de prison ferme, une peine assortie d’un an de sursis avec mise à l’épreuve. Il était sorti de prison en mars 2020, notamment avec une injonction de soins qui a pris fin en mars dernier.
Ce nouvel attentat pose donc la question du suivi des sortants de prison pouvant présenter un risque de passage à l’acte. Deux types de détenus font l’objet d’une particulière attention. Les premiers sont les terroristes islamistes (« TIS ») incarcérés pour des faits de terrorisme, soit déjà condamnés, soit en détention provisoire. Les autres sont des détenus de droit commun susceptibles de radicalisation (« DCSR »). « Aujourd’hui, nous avons dans nos prisons 391 détenus TIS, dont 98 femmes, et 462 détenus de droit commun dont on pense qu’ils peuvent être radicalisés », précise-t-on au ministère de l’intérieur.
84 détenus « TIS » libérés en 2023
Depuis l’été 2018, 486 détenus TIS sont sortis de prison, dont 84 femmes. En 2023, 84 sont déjà sortis et deux doivent être libérés d’ici à la fin de l’année. « En 2024, 36 détenus TIS doivent sortir et 84 en 2025 », indique une source policière, en précisant que la totalité de ces détenus font l’objet d’un suivi de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Une fois libres, ces personnes ne sont bien sûr pas laissées seules dans la nature. Elles peuvent d’abord faire l’objet d’un suivi socio-judiciaire prononcé par les tribunaux au moment du jugement. « On peut ainsi obliger la personne à résider dans telle commune, à ne pas porter d’arme, à ne pas entrer en contact avec telle ou telle autre personne. Il peut aussi y voir une obligation de formation et de travail ou une obligation de soins », détaille une magistrate.
Pour toutes les personnes condamnées à une peine égale ou supérieure à sept ans de prison, un juge d’application des peines peut aussi décider une mesure de « surveillance judiciaire » pouvant aller jusqu’à la pose d’un bracelet électronique. « On peut aussi lui imposer de mener un travail de réflexion sur son engagement idéologique », ajoute cette magistrate. En 2021, une loi a renforcé ce suivi avec l’instauration d’une « mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion » pouvant être appliqué aux détenus jugés particulièrement dangereux et condamnés à une peine égale ou supérieure à cinq ans de prison.
Trois niveaux de risque
En parallèle, le ministère de l’intérieur peut imposer des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas). Depuis octobre 2017, 787 mesures de ce type ont été mises en place pour une durée maximale d’un an. « Cela permet d’interdire à la personne de quitter le territoire de sa commune, afin de faciliter sa surveillance. On peut aussi l’obliger à venir pointer une fois par jour au commissariat », précise-t-on au ministère de l’intérieur.
Cette surveillance judiciaire et administrative permet aux services de renseignements d’évaluer le niveau de risque de ces ex-détenus. « Parmi les TIS qui sont sortis de prison ces dernières années, on estime que la majorité, environ les deux tiers, sont aujourd’hui désengagés et en rupture avec l’idéologique djihadiste, précise-t-on au ministère. Sinon, on a deux autres catégories. Il y a d’abord des individus prosélytes et violents qui sont encore dans une sphère radicale. Certains sont dans une critique véhémente des lois de la République ou présentent des velléités de passage à l’acte. Enfin, la troisième catégorie concerne des profils ambivalents. On n’a pas assez d’éléments pour dire qu’ils sont désengagés, mais on constate une pratique religieuse qui a changé. Certains sont intelligents et manipulateurs et peuvent ne pas avoir renié leur engagement radical. »
Dans quelle catégorie se situait Armand R.-M. qui est passé à l’acte samedi ? « Dans la catégorie des ambivalents, potentiellement manipulateurs et très instables », précise une source policière.
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« Attention à ne pas instaurer des peines qui n’en finissent pas »
Prune Missoffe, responsable du plaidoyer à l’Observatoire international des prisons (OIP)
« Depuis quelques années, on accumule les mesures de contrôle judiciaire et administratif pour ces personnes qui sortent de prison après une condamnation pour terrorisme. Nous comprenons la nécessité de prévenir le risque d’attentat mais ces mesures imposent à ces personnes des restrictions de liberté non pas en lien avec les faits qu’elles ont commis mais pour ceux qu’elles pourraient commettre. Il faut faire attention à ne pas instaurer des peines qui n’en finissent pas et qui donnent l’illusion d’un risque zéro qui ne pourra jamais exister. »
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