« Ils nous tabassaient matin et soir » : les prisonniers palestiniens libérés racontent leurs conditions de détention

des détenus palestiniens racontent un quotidien de privations et des conditions de détention qui se sont radicalement dégradées après l’attaque inédite du mouvement islamiste le 7 octobre. (Photo d’un jeune palestinien libéré d’une prison israélienne le 28 novembre 2023)
FADEL SENNA / AFP des détenus palestiniens racontent un quotidien de privations et des conditions de détention qui se sont radicalement dégradées après l’attaque inédite du mouvement islamiste le 7 octobre. (Photo d’un jeune palestinien libéré d’une prison israélienne le 28 novembre 2023)

FADEL SENNA / AFP

des détenus palestiniens racontent un quotidien de privations et des conditions de détention qui se sont radicalement dégradées après l’attaque inédite du mouvement islamiste le 7 octobre. (Photo d’un jeune palestinien libéré d’une prison israélienne le 28 novembre 2023)

INTERNATIONAL – Sortis des prisons israéliennes à la faveur d’un accord d’échange avec le Hamas, des détenus palestiniens racontent un quotidien de privations et des conditions de détention qui se sont radicalement dégradées après l’attaque inédite du mouvement islamiste le 7 octobre.

Depuis cette date, les autorités pénitentiaires israéliennes « ont tout retiré » aux détenus palestiniens, a affirmé Rouba Assi, 23 ans dont plus de deux en prison, au moment de sa libération il y a une semaine dans le cadre d’échange de prisonniers palestiniens contre la libération d’otages emmenés par le Hamas à Gaza durant l’attaque.

Le 7 octobre, les autorités pénitentiaires ont annoncé dans un communiqué « l’état d’urgence en prison » : pour les détenus palestiniens, plus de sortie de cellule -donc de parloirs-, plus d’achat à la cantine ni d’alimentation des prises électriques dans les cellules, et des fouilles surprises plus fréquentes.

Dormir à même le sol

Le Club des prisonniers, une ONG palestinienne qui recense les détenus de Cisjordanie et de Jérusalem-Est occupées par Israël, assure que les visites de délégués du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont également cessé. Le CICR ne commente pas.

Rouba Assi peut comparer. Entre 2020 et 2022, elle a été incarcérée 21 mois pour « appartenance à une organisation illégale », son mouvement étudiant marxiste qui appelle à « la libération de la Palestine », et « jets de pierres ».

Puis, elle est sortie. En pleine guerre à Gaza, elle a été de nouveau arrêtée, aux côtés de plus de 3.580 autres Palestiniens selon le Club des prisonniers. Les prisons israéliennes comptent aujourd’hui quelque 7.800 détenus palestiniens, d’après la même source.

Là, dit-elle, elle a trouvé des conditions de détention bien différentes : « dans la prison de Damon », dans le nord-est d’Israël, « on dormait à sept dans des cellules prévues pour trois détenues, à même le sol, sans matelas et sans couverture malgré le froid et ce, peu importe l’âge ».

« Un cimetière pour les vivants »

« On se couchait souvent sans avoir mangé et les portions qu’on recevait étaient maigres », poursuit Rouba Assi. « Tous les acquis des années de lutte des prisonniers palestiniens ont été effacés d’un coup ».

Amnesty International affirme avoir « des témoignages et des preuves vidéos de tortures et de mauvais traitements de détenus palestiniens violemment passés à tabac, humiliés, notamment forcés à garder la tête baissée, à s’agenouiller au sol pour l’appel et à chanter des chants israéliens dans d’horribles conditions de détention ». L’AFP a pu visionner ces images.

Ramzi Abbassi, militant palestinien de 36 ans de Jérusalem-Est, très suivi sur les réseaux sociaux, a aussi été libéré en échange d’otages israéliens, de la prison Ketziot, dans le désert du Néguev, réputée pour être la plus dure.

« Ils nous tabassaient matin et soir », accuse-t-il. « Des prisonniers ont eu des jambes ou des bras cassés après le 7 octobre et ils n’ont reçu aucun soin. » Cette prison, dit-il à l’AFP, est « un cimetière pour les vivants, les détenus y vivent sans nourriture, sans habits propres, ils sont laissés à l’abandon ».

Contactées à plusieurs reprises par l’AFP, les autorités pénitentiaires n’ont pas souhaité commenter ces accusations. Amnesty évoque aussi des images largement diffusées en ligne de « soldats israéliens frappant et humiliant des Palestiniens détenus, les yeux bandés, déshabillés et les poignets entravés ».

Six prisonniers morts depuis le 7 octobre en détention

Selon le témoignage d’un Palestinien de Jérusalem-Est recueilli par l’ONG, des détenus étaient contraints « de faire l’éloge d’Israël et d’insulter le Hamas ». « Mais même quand un détenu le faisait, ils n’arrêtaient pas de le frapper ».

Dans une lettre sortie de prison par l’un des Palestiniens libérés récemment, adressée notamment au CICR et rendue publique, des prisonniers dénoncent « une vengeance » des autorités israéliennes.

Cette missive rappelle que six prisonniers sont morts dans des prisons israéliennes depuis le 7 octobre. L’administration pénitentiaire répond qu’ils ont été autopsiés et sont morts pour des raisons de santé indépendantes des conditions de détention.

Monnaie d’échange

La question des prisonniers, lancinante dans les Territoires occupés, est revenue sur le devant de la scène avec la prise d’environ 240 otages par le Hamas le 7 octobre.

Le Hamas et ses alliés, surtout le Jihad islamique, qui comptent des centaines de membres dans les prisons israéliennes, ne cessent de répéter que les otages -civils et militaires israéliens- serviront de monnaie d’échange pour « vider » les prisons israéliennes des détenus palestiniens.

En une semaine de trêve, du 24 novembre au 1er décembre, 240 prisonniers palestiniens sont sortis en échange de 80 otages israéliens. Mais, note le Club des prisonniers, dans le même temps, des centaines d’autres Palestiniens sont entrés en prison.

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